Neverland

work in progress

Le Lieu

L’homme et la Mer

 

On ne va pas à la plage. 

On va à la mer. 

C’est comme ça qu’on dit à Marseille. Cette idée que le paysage est mental explique peut-être cette expression qui salue le règne maritime.

Le cordon littoral se déploie dans le chaos minéral calanques, longe de gigantesques installations portuaires et ne s’adoucit que fort rarement dans un rêve de légèreté balnéaire et de marchand de sable.

Nous voici donc dans un non lieu. Celui des plages du Prado, une étendue arrachée à la mer, il y a 40 ans. L’opportunité de se débarrasser des millions de mètres cube de terre du chantier de construction du métro. Et de faire d’une pierre, deux coups : les habitants des quartiers Nord vont pouvoir s’offrir, chaque jour, quelques heures de vacances dans des quartiers Sud. Un dépaysement pour oublier la pauvreté.

Cadrons le sujet, et son possible romantisme, dans les yeux d’un enfant. 

« Je m’apprêtais à affronter la mer avec cette joie exubérante qui, dans nos rêves, nous permettent de pratiquer avec maestria l’équitation ou le violon, même si nous n’avons pas le moindre talent (…). Ce n’était pas la première fois que je voyais la mer, mais je crus y déceler, contrairement à la montagne, l’origine de quelque chose qui m’avait toujours attiré sans que j’y puisse atteindre (…). Car me manquait le courage de m’abandonner tout à fait à cette effervescence qui d’offrait à moi et me submergeait. J’y aurais vu une sorte de profanation de cet azur des possibles » (Y.Mishima, « une matinée d’amour pur »). 

 

L’enquête

L’autre magie

 

Comment tout ça s’est-il décanté ?

La mer refuse d’être limpide. Elle offre des bains d’eaux turquoise et troubles car elle s’est longtemps battue contre la présence de cet aménagement qui a fini par faire figure de « station balnéaire ». 

Elle s’étend sur 3,5  kilomètres de façade maritime, occupe 35 terrains de football et 3,5 millions de « visiteurs » par an.

Ce grand « Nulle part», je l’arpente depuis des années. Je vois un lieu qui vit et qui a vieilli. Et, comme à chaque fois que je sens qu’il se passe quelque chose, je prends dans ma tête mes premières photographies. J’ai débuté le projet en 2016 et réalisé sa quasi totalité à l’été 2017.

Car quelque chose ne colle pas. Les végétaux ne sont pas à la fête. Mais ils ont prospéré. Des gens résident, parfois presque à l’année, dans ces bosquets qui ont réussi leur maturité pour préserver le secret de leurs hôtes.

Je découvre, petit à petit, la trame de ce paysage qui trouve son équilibre et se construit avec ses propres caractéristiques. Je l’assimile à un vibrionnant musée d’art contemporain en plein air où il n’y a pas beaucoup de gardiens.

Évidemment, il y va y avoir des merveilles…

 

Le Travail

Un cadre splendide

 

À l’origine, les « Plage du Prado » se distinguent par la rareté d’un bâti plutôt spartiate et minimaliste. Cette mise en scène permet de souligner quantité de petites choses : le mobilier urbain est bien visible, un tas de pierre attire facilement le regard. Mais les gros objets monumentaux et éphémères y ont trouvé un formidable terrain de jeu. 

Ça bouge sans cesse, le travail est physique. Je tourne beaucoup.

La magie, c’est que n’importe quoi peut prendre un sens collectif. Ce lieu l’absorbe comme un buvard. Parce qu’on a la place de faire les choses et qu’il fonctionne – au sens propre - comme un parc attractions.

Alors, c’est maintenant impossible de faire un reportage qui n’épuisera jamais le sujet 

Il faut juste mettre cette énigme à nu, lui retirer toute ambiguïté pour révéler ce qui se cache en elle : de l’étrange, du fantastique au sens littéraire - à la limite du monstrueux comme de l’incongru - et puis tous ces aléas qui forgent son histoire face à la mer.

C’est une lumière dense, crue, gommant les effets et à la limite de la surexposition qui accompagne ce projet de révélation.

 

 

La Technique

(Trois points, pour ceux qui s’y intéressent)

 

Peu de choses à dire. Pour bien voir :

- ne pas se laisser distraire par une focale variable afin de tenir la recherche dans un cadre rigoureux. Un 50 me va très bien dans ce contexte ardu.

- être précis, avoir du piqué. Parce qu’il y a monde et arrière-monde dans cette série qui parle d’une plage, il importe de soigner plan et arrière-plan.). 

- Saisir l’animation et ce qui va changer dans le paysage. Même en paysage, la présence humaine – y compris si elle n’est pas dans la prise de vue - est très importante. Elle pourrait y surgir.

 

 

The place
The man and the sea
 
We do not go to the beach.
We go to the sea.
That's how we say in Marseille. This idea that the landscape is mental perhaps explains this expression which salutes the maritime kingdom.
The shoreline unfolds in the mineral chaos creeks, along gigantic harbor facilities and only very rarely softens in a dream of seaside lightness and sandman.
So here we are in a no place. One of the beaches of the Prado, a stretch torn from the sea, 40 years ago. The opportunity to get rid of the millions of cubic meters of land from the subway construction site. And to kill two birds with one stone: the inhabitants of the northern neighborhoods will be able to afford, every day, a few hours of holidays in southern districts. A change of scenery to forget poverty.
Let's frame the subject, and its possible romanticism, in the eyes of a child.
"I was preparing to face the sea with this exuberant joy that, in our dreams, allow us to practice horse riding or violin with great skill, even if we do not have the slightest talent (...). It was not the first time I saw the sea, but I thought I detected, unlike the mountain, the origin of something that had always attracted me without my being able to reach (...). For I lacked the courage to abandon myself completely to this effervescence which offered me and submerged me. I would have seen a sort of profanation of this azure of the possible "(Y.Mishima," a morning of pure love ").
 
Investigation
The other magic
 
How did all this settle down?
The sea refuses to be clear. It offers baths turquoise waters and troubles because it has long fought against the presence of this development that ended up being a "resort".
It covers 3.5 kilometers of coastline, occupies 35 football fields and 3.5 million "visitors" per year.
This great "Nowhere", I surveyed for years. I see a place that lives and has aged. And, as every time I feel that something is happening, I take in my head my first photographs. I started the project in 2016 and realized almost all of it in the summer of 2017.
Because something does not stick. Plants are not at the party. But they prospered. People reside, sometimes almost year-round, in these groves that have matured to preserve the secret of their guests.
I discover, little by little, the fabric of this landscape that finds its balance and is built with its own characteristics. I liken it to a vibrant museum of contemporary art outdoors where there are not many guards.
Obviously, there are going to be wonders ...
 
Work
A splendid setting
 
Originally, the "Prado Beach" is distinguished by the rarity of a building rather Spartan and minimalist. This staging makes it possible to underline a lot of small things: the street furniture is very visible, a pile of stone attracts easily the glance. But large monumental and ephemeral objects have found a great playground.
It moves constantly, the work is physical. I turn a lot.
The magic is that anything can take on a collective meaning. This place absorbs it like a blotter. Because we have the place to do things and it works - literally - as a park attractions.
So, it's now impossible to do a report that will never exhaust the subject
You just have to put this enigma naked, remove all ambiguity to reveal what is hidden in it: the strange, the fantastic in the literary sense - at the limit of the monstrous as the incongruous - and all these hazards that forge its history facing the sea.
It is a dense light, raw, erasing the effects and at the limit of overexposure that accompanies this project of revelation.
 
 
The technique
(Three points, for those who are interested)
 
Little to say. To see well:
- do not be distracted by a variable focus in order to keep the research in a rigorous setting. A 50 fits me very well in this difficult context.
- be precise, have dive. Because there is world and back-world in this series that talks about a beach, it is important to heal plan and background.).
- Enter the animation and what will change in the landscape. Even in landscape, the human presence - including if it is not in the shot - is very important. It could arise there.

 

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